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dimanche 17 août 2008

Un fonctionnaire chauve à Nouméa #3 : Lost in translation...

Après 6 heures d'intimité fusionnelle avec le terminal 2F de Roissy CDG, j'embarque pour le vol Paris Tokyo. Décollage à 23h50, 10h50 de vol pour ~11000 kms...

À côté de moi dans l'avion, un toulousain copieusement tatoué m'explique qu'il travaille dans le nickel (LA ressource naturelle de Nouvelle Calédonie) à raison de 10 semaines en NC 6 jours sur 7, puis 4 semaines de vacances en métropole. Il est grutier. Il touche 5500€ net par mois, nourri logé et blanchi en NC... et il ne paie pas d'impôt car j'apprends qu'à partir de 183 jours par an travaillés hors France, on accède au régime d'"expat", qui n'est plus assujetti à l'impôt...

L'homme a pas mal bourlingué dans le monde entier, une sorte de mercenaire grutier. La raie manta qu'il affiche sur l'intérieur de son bras droit a été faite par un kanak sur le chantier de l'usine de nickel, en tatouage traditionnel, à la dent de requin...

Mes aventures étant tout de même moins palpitantes, on parle plutôt de lui. J'apprends ainsi qu'il est très fidèle à sa femme malgré ses absences répétées. 10 minutes plus tard, il m'explique néanmoins que l'hôtesse qui nous apporte le plateau repas est encore "bien tendue" pour son âge, et qu'il se la "cartoucherait" bien... No comment.

Les heures passent doucement entre la discussion, les plateaux repas, un petit film... Je tente de suivre le conseil consistant à ne pas dormir, mais ça devient dur : avant d'embarquer, je n'étais déjà plus très frais, mais vers 6-7h du matin, ça devient terrible et je m'octroie 2 heures de somnolence entre les plateaux repas #25 et #26...



Tout a une fin et on finit par atterrir à Tokyo Narita, 28°, orage diluvien... 2h40 d'escale avec tous les clichés attendus : du poisson séché en bocal et du saké au duty free, des ados mangas en mini-jupes skaï et soquettes blanches et même des sièges de massage full électroniques à télécommande pour 100 yens les 15 minutes... J'explore un peu pendant que mon nouvel ami du Sud-Ouest est allé fumer une bonne moitié d'une des 4 cartouches Dunhill qu'il vient de s'acheter. Le coin fumeur fait envie, on dirait un wagon SNCF fumeur d'il y a 10 ans, mais de 20 m2 avec 120 personnes à l'intérieur. Enfin peut-être 100 ou 150, on ne voit pas bien dans le brouillard à travers la baie vitrée qui délimite leur quarantaine...

Devant la porte d'embarquement, un écran géant diffuse une émission japonaise spéciale "Beijing 2008". Entre la 15ème et la 16ème partie de ping-pong d'affilée (les japonais doivent être leader dans cette discipline ; c'est un peu leur escrime...), on apprend que Phelps vient de réussir sa mission impossible en égalant le record de Spitz.

L'avion a finalement une heure de retard...

On embarque à une certaine heure (je préfère ne plus savoir quelle heure il est en France...). Après la lassitude il y a la fatigue. Au delà de la fatique, il y a la mort. L'état dans lequel je me trouve est juste après... surtout lorsque je repense à la réflexion que je m'étais faite en observant le globe terrestre de mon fils quelques semaines auparavant : Tokyo-Nouméa (~8500 kms, 8h40 de vol), c'est à peu près équivalent, modulo une translation de 10000kms vers l'Ouest, à un Paris-La Réunion... sauf qu'on s'est déjà fait un Paris-Tokyo... Petit coup de mou...

Je tombe à côté d'une japonaise avoisinant la soixantaine, très organisée... Elle gonfle un coussin, sort des pantoufles en osier et de très longs gants qu'on peut prendre à première vue pour des chaussettes de ski. Elle se met ensuite en tailleur dans une position que seul l'asiatique peut maîtriser et dont le concept occidental le plus proche me semble être le noeud de chaise. Je suis alors coincé côté fenêtre et l'idée qu'à chaque fois que je vais me lever, il va falloir lui demander de défaire le noeud, m'angoisse passablement...

Miracle, à la fin de l'embarquement une rangée de 4 sièges est vide. Je m'y précipite sans trop forcer sur la politesse et je la partage finalement avec un autre opportuniste. 2 sièges et le couloir pour étendre les jambes, je me détends un peu...

Malheureusement, les orages monstrueux nous empêchent de décoller pendant... 1h30... On fait des essais de décollage (jamais vu ça !!!) où l'avion accélère 100m puis freine, sans doute pour tester l'adhérence. Ça rassure pas mal... On finit par rouler au moins 10 bornes pour changer de piste et un "PNC : décollage immédiat" dans le circuit audio nous indique que cette fois, on n'a plus qu'à espérer que l'adhérence soit OK. Les gens se regardent en souriant, de cet air désinvolte et blasé... qui précède de quelques secondes la panique...

On décolle dans les éclairs sans problème et le pilote indique qu'on va avoir quelques turbulences dans la montée. J'apprends ce jour-là que le pilote de ligne est un maître de l'euphémisme... Je ne sais pas vraiment comment nous n'avons pas perdu les ailes... L'avion flottait parfois comme non soutenu par l'air avant de tomber carrément de X mètres (avec X = au moins 100 au niveau de la sensation éprouvée) puis de reprendre d'un coup de la portance provoquant un plaquage au siège et un rétrécissement non négligeable de la colonne... Beaucoup de cris, de Ahhhh et de Ouhhhh, quelques vomissements. Le sourire de l'air désinvolte et blasé s'était quelque peu crispé et se voyait partiellement démenti par l'extrême blancheur des jointure des doigts rivés aux accoudoirs...

Ça ne dure qu'une heure... Un petit apéro, un film puis un plateau repas plus tard, je mets en oeuvre la tactique prévue consistant à dormir les 6 dernières heures pour me recaler comme si de rien n'était. Je mets mes boules quiès, absorbe un somnifère sans ordonnance, positionne mon masque occultant et... les 2 bébés du rang de devant se mettent à crier. Je constate alors que l'efficacité du somnifère aux plantes sans ordonnance est comparable à celles du désherbant bio ou l'anti-fooling sans plomb... Bilan estimé : ~2h30 de sommeil matiné de cris de bébé feutrés... Suis-je encore réellement vivant ?



Contre toute attente, on finit par atterir à Nouméa la Tontouta. Il est 9h, heure locale. J'ai peine à croire que ça y est, je suis arrivé... Il fait un beau temps pour la Bretagne : ciel gris acier... mais sans pluie pour l'instant... Il y a des gendarmes tout comme chez nous (sauf le salaire), le signe République Française sur le fronton du bâtiment : c'est un peu surréaliste.

Avant que j'ai le temps de m'inquiéter pour savoir comment j'allais faire les 50km qui me séparent de Nouméa et à quel hôtel je dois me rendre, j'apprends par les haut-parleurs que je suis attendu au bureau des informations. J'y vais après avoir déclaré que oui, je m'étais vacciné contre la fièvre jaune il y a moins de dix ans et que non, je n'avais dans mes sacs aucun saucisson ou autre camembert. La NC est a priori préservée d'un paquet de maladies et autres problème, et ils essayent de faire en sorte que ça continue... J'apprends sur le chemin qu'il faut faire gaffe aux moustiques et qu'il vaut mieux porter des habits longs et clairs que courts et foncés... Arrivés au bureau des informations, je ne vois personne et lorsque je m'en inquiète auprès de l'hôtesse, une main massive se pose sur mon épaule : "M. Milhaud ?"

Je me retourne et vois une sorte de John Lomu petit, c'est-à-dire 1m90, cheveux ondulés derrière le crâne, qui me sourit. C'est Claude. Il chausse approximativement du 60 et il est chargé de me déposer à mon hôtel. Il est avec sa femme, dont les cheveux sensiblement plus développés que les miens touchent l'arrière de ses genoux...

Claude s'avère super sympa. Il est kanak et m'explique plein de choses sur son pays pendant le voyage : les ethnies différentes (sa femme est wallisienne), les totems des différentes tribus, les aires coutumières, la prolifération des cerfs, l'augmentation drastique du coût de la vie locale, la division en très riches (plusieurs Hummers croisés sur la route...) et très pauvres (bidonvilles près de Nouméa), le commerce privé et florissant du nickel, le fait qu'en cas de pathologie grave, c'est la métropole ou l'Australie..., son sentiment sur l'indépendance du territoire (j'apprends que ça n'est ni un TOM, ni un DOM, mais un POM... : Pays d'Outre Mer), la recette du bougnat, les 5 sortes de mangue (j'adore !!!) qu'on trouve ici, le fait que le cagou (oiseau ne volant pas emblême de la NC) aboie dans la forêt comme un petit chien, etc. Il me fait visiter un peu Nouméa, du port autonome au port de plaisance, en passant par quelques-unes des 7 baies qui délimitent la ville : baies des citrons (mon voisin toulousain du Paris-Tokyo m'avait dit Baie des Nichons, sans doute un problème d'orthophonie...), baie de l'orphelinat, Anse Vata... Le soleil a percé les nuages et on distingue bien au loin la barrière de corail autour du plus grand lagon du monde. Les couleurs de l'eau avec ce soleil voilé donnent une idée de ce que ça va être si le temps se met au beau... Les platiers de corail autour des îlots voisins (îlot Canard, ilôt Maître) se détachent de l'eau bleu marine environnante, et des tâches turquoises des bancs de sable qui parsèment les alentours des rivages. Ça y est, cette fois, j'y suis...

Il finit par me déposer à mon hôtel et là, je tombe des nues... La suite demain...

À bientôt,

G.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Il y a même du suspense à la fin ...

"Il finit par me déposer à mon hôtel et là, je tombe des nues... PAS DE HAMAC SUR MA TERRASSE ! C'en est trop, je rentre à Marseille."

Bon ben régale toi, c'est parti là. Aujourd'hui je m'envole pour l'Ecosse, j'ai failli faire un blog mais mon portable ne supporte pas l'humidité.

Poulpe13 a dit…

Fais gaffe il y a quelqu'un de la famille du gros qui nous suit partout. Il y a même sur ton blog une photo de lui avec son double menton. S'il avait des cheveux de la même couleur que sa barbe ce serait le père noël en plus gros et avec des boules Quiès. As-tu pris des photos de ton guide je serai curieux de le voir. En tous cas bel épisode, j'attends le suivant de la série G24 (dizaines d'heures).