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jeudi 21 août 2008

Un fonctionnaire chauve à Nouméa #7 : appelez-moi Antoine...

Le réveil prudemment programmé sur 5 heures n'aura évidemment servi à rien... Je l'éteins vers 4h et prépare mon sac. 2 jeux de piles pour l'appareil photo, 2 cartes mémoire : pas de place pour la panne...

Il est trop tôt pour déjeuner à l'hôtel, je m'arrêterai au marché. Le passage à la boulangerie dudit marché mérite quelques mots. Un indonésien aux traits incroyablement fins est devant moi, il demande deux "fri-fri". Je prends mes croissants et, intrigué, demande à la vendeuse ce que c'est que ce "fri-fri", un terme qui en métropole a tendance à désigner une nourriture pour homme qui ne s'achète pas en boulangerie... Elle m'explique que c'est un beignet et m'en sort un du carton derrière elle et là, stupeur !!! C'est lui, c'est le CHICHI-FRÉGI de l'Estaque-plage !!! Marseille rayonne décidément dans le monde entier, exportant à l'infini sa culture riche (en lipides...). Pour la peine, je m'en prends un. Terrible, il est tout chaud...

À l'embarcadère de l'Aremiti 4, le tout nouveau bateau pour l'île des Pins qui vient de Tahiti (l'historique, le Betico (prononcez Betitcho), surnommé le vomico par les locaux, est en panne de moteur depuis un paquet de semaines), on attend pas mal.


Je parle avec des militaires qui vont passer une permission à l'île des Pins : j'apprends qu'il y a une forte présence militaire à Nouméa, et qu'une garnison métropolitaine vient relever la précédente tous les 4 mois. Ils sont ravis d'être ici (tu m'étonnes, ils sont de Chateauroux...), et accessoirement inquiets et critiques (c'est un euphémisme) par rapport au plan armées de Sarko : Chateauroux fait partie des sites qui vont fermer, ça sera en 2012. Belle performance pour un président de droite de se mettre même l'armée à dos...

Le bateau est un gros catamaran, je m'installe aux premières loges, devant les vitres panoramiques au niveau bas, face à l'avant. Le pullman est confortable, j'ai 2 mètres pour les jambes devant. J'ai un petit pincement au coeur en pensant à l'avion dans 3 jours...

L'île des pins est au Sud de la Grande Terre (Nouvelle Calédonie = Grande Terre + les îles Loyauté (Ouvéa, Lifou, Maré) et l'île des Pins), si bien que nous allons parcourir toute la fin de la côte Ouest (Nouméa est au Sud-Ouest de Grande Terre) avant de prendre le large. C'est l'occasion de découvrir du paysage et EN PLUS IL FAIT ASSEZ BEAU, le soleil est là, juste quelques nuages latéraux qui devrait être sans conséquence dès 9-10h. La chance va peut-être me sourire...

Le bateau fait une escale à l'extrême Sud, à Goro, pour déposer les travailleurs de Goro Nickel sur le site de l'usine en construction. Ils sont nombreux dans le bateau, avec leur uniforme aux armes de la compagnie (comme un peu dans Cosmos 99), si bien que je tombe à côté d'un d'entre eux, canadien, avec qui j'engage la conversation.

C'est vraiment différent de voyager seul. On n'a pas le cocon familial, ou celui du groupe d'amis, qui se suffit à lui-même pour les besoins de communication. Du coup on cherche un peu le contact, et on discute avec 100 fois plus de monde...

L'homme s'avère très sympa, et ingénieur en génie mécanique. Il a 42 ans et est ici pour 3 ans pour mettre en place le procédé complexe d'extraction du nickel, avec une équipe d'ingénieurs issue du monde entier. Avant, il a fait 3 ans en Thaïlande, 4 en Louisiane (pendant Katrina !!!), 2 au Pérou, 2 en Indonésie... Il a fait un milliard de trucs, et encore une fois, je me sens ridiculement pantouflard, moi qui vais sur le même lieu de travail depuis 1984...Pour moi, le truc palpitant, l'exotisme absolu, c'est quand il y a une déviation pour éviter Cassis parce qu'un poteau télégraphique est tombé... Énervant, tous ces mecs à la vie trépidante.

Pendant ce temps le paysage défile. Petites montagnes, très vertes avec des immenses trouées ocres/rouge (terres latéritiques), la terre du caillou est vraiment chargée en minerai. On voit une baleine à 100 mètres à tribord... Pas mal de dauphins aussi.

Après l'escale à Goro, le voyage jusqu'à l'île se fait tranquillement, le bateau est très stable et avale la houle tranquillement. Je somnole.

Île en vue. On discerne les fameux pins colonnaires, endémiques, si hauts et droits. On s'approche et on commence à découvrir l'incroyable couleur bleue turquoise (encore plus qu'un un collier de Johnny...). Le débarcadère est en baie de Kuto, c'est le plein soleil et c'est de la FOLIE !!! La plage, immense, déserte et bordée de cocotiers, est BLANCHE comme un plafond neuf, et la mer est d'une couleur irréelle. Quelques voiliers, parsèment la baie, calme, paradisiaque. Ça y est, c'est le choc, comme dans les docs d'Antoine : j'ai enfin la vision du Pacifique tel qu'on le fantasme en métropole...

Je descend quasi en courant pour retrouver Edmond. Il est là, avec une toute petite Nissan, neuve. Il fait 1,6m, 100 bons kilos... Je lui dis, hésitant, que je viens de la part de Claude... Bingo, c'est bien son oncle (il l'appelle le "petit Claude", ça fait sourire...). En plus sa fille va faire ses études à Marseille dès Septembre, je lui propose mes coordonnées au cas où elle aurait besoin d'un peu d'aide pour les formalités. Le courant passe bien et il me propose spontanément un discount à 5000 CFP au lieu des 7000 annoncés... Ça fera pour le repas de midi...



Je décide de foncer direct à la fameuse piscine naturelle, espérant devancer ceux qui iront en pirogue. Mais je suis tellement scotché par les 2 premières plages, Kuto et Kunaméra, que je fais quand même un stop photo.





Il y a un îlot verdoyant dans la baie de Kanumera. Le dernier qui est monté dessus a été tué par les locaux... Eh, oui, ce rocher est tabou pour les Kunié (habitants de l'île des Pins), et le mélanésien ne rigole pas trop avec ça...

Il y a une seule route, d'une trentaine de kilomètres qui fait une boucle. Rouler tout seul ici à 20000kms de la maison, en croisant une voiture tous les 5 kms, a quelque chose de profondément surréaliste. Les gens marchent pieds nus et disent systématiquement bonjour à tout le monde, inconnus compris. La métropole est tellement tellement loin. La France a-t-elle vraiment quelque chose à voir avec cet endroit ?...

Du coup, moi aussi je m'entraîne à dire bonjour comme eux, en travaillant la décontraction. Il s'agit de tendre le bras et de lever le pouce. Je maîtrise assez rapidement la chose du bras gauche, posé nonchalamment sur la portière et décide que désormais à mon retour en métropole, j'adopte le salut "Îles des Pins"... Préparez-vous...

Passage par le seul village de l'île et photo incontournable de la célèbre église colorée.



Je vois, comme dans un rêve, la mairie avec l'improbable drapeau français, la poste et son logo jaune. C'est incroyable...



Je bifurque au panneau Baie d'Oro et me gare chez Régis, le restau à langoustes au bout de la route bitumée. Pour aller à la piscine naturelle, il faut traverser un bras de mer avec eau aux mollets, puis marcher 20 minutes dans la forêt. C'est déjà splendide. Les pins colonaires sont là et projettent leur vert profond sur l'eau.



Je suis pieds nus seul dans la forêt, je suis barbu, je suis Robinson... Mais bon 100m derrière, il y a déjà quelques touristes français, italiens et japonais, ça réveille...

J'arrive enfin sur le site et là, c'est encore 10 crans au-dessus de tout ce que j'ai déjà vu... Ça n'est pas Dieu qui a créé ça, car Dieu n'a pas Photoshop... Les couleurs sont HALLUCINANTES : la fameuse piscine est encadrée d'une plaine de sable blanc immaculé, l'eau cristalline est turquoise et les pins colonaires forment une haie verte sur l'arrière, comme gardant le site... Mes mots ne peuvent pas être à la hauteur de ce que j'ai vu, je laisse la place à quelques images, elles aussi forcément réductrices...





Je me baigne, l'eau doit être à 21°. J'ai pris masque, tuba et une demi-baguette. Avant de mettre la tête dans l'eau je vois passer des énormes poissons autour de mes pieds... Sous l'eau le spectacle est délirant sans pain... mais avec, c'est incroyable : des poissons perroquets de 40 cms se jettent sur ma main, écartant des petits "némo" et autres machins de TOUTES les couleurs !!! Je suis obligé de tenir le restant de pain au dessus de la surface, car l'attaque des poissons est limite inquiétante.

Il y a aussi des oursins diadème (20 cm d'épine) et des oursins crayons (épines peu piquantes de 5mm de diamètre), des coraux, des bénitiers... Je refile la fin de mon pain à un groupe d'italiens et je nage vers la sortie de la piscine côté océan.

Un peu de marche sur des rochers très acérés (là, je rencontre un marseillais d'Endoume, incroyable...) et j'arrive face aux Pacifique, bleu profond et légèrement agité, lançant des vagues qui viennent alimenter la piscine. Le bain est hors de propos, ça bouge fort et le rocher est sans pitié.

Au retour, je croise un barbu de 60 ans, que ses 40 kilos de bide handicapent lourdement lors de la marche sur les rochers pointus. Encore un mec à la vie trépidante... Il est parisien mais a vécu son enfance à Tahiti, à l'époque où on y allait par bateau, en 1 mois... Il fait partie du "club des 40"... dont les membres ont visité au moins 40 pays... Mentalement, je compte mes voyages et je pense qu'il ne doit pas y avoir de club en dessous de 10...

Je me rentre, il est déjà midi... Vite à la voiture, il n'est déjà plus question de prendre le temps de manger : la découverte de l'île vaut tous les repas au restau...

À côté de chez Régis, il y a l'hôtel cinquante étoiles le Méridien, dont on dit que c'est un des plus exceptionnels qui soit. Je décide d'aller voir.

C'est de la folie !!! Le site est fabuleux (j'essaie de ne pas voir les multiples panneaux indiquant qu'on ne visite pas, que l'hôtel se fait un devoir de respecter la tranquillité absolue de ses clients...). Les chambres-bungalow sont dans la forêt avec cocotiers et pins colonnaires, herbe douce fraîchement tondue. Le restau parfaitement intégré jouxte une piscine à débordement incroyable qui semble se prolonger dans l'Océan juste devant, avec la désormais traditionnelle plage déserte de sable "absolute white".




Un petit îlot rocheux verdoyant semble avoir été placé idéalement au sein de la baie par un paysagiste génial... Chambre premier prix : 450 €...


Je poursuis consciencieusement mon tour de l'île. Je passe par la grotte de la reine Hortense, à l'intérieur des terres, certes impressionnate, mais dispensable par rapport au bord de mer...

Je me termine par la baie de Ouaméo. Encore une plage blanche et déserte. Non, ça ne lasse pas...


Il est 14h, je dois rendre la voiture pour 14h30, je décide de passer les dernières minutes à Kuto près du débarcadère. Cette fois, je descend sur la plage et là, la qualité du sable monte encore d'un cran : c'est de la poussière de farine. Ça semble impossible... Claude m'avait dit d'en ramener dans une bouteille, mais je ne le fais pas, me disant que si tout le monde en prend une bouteille...

14h28 : je fais le plein, prend un sandwich et je retrouve Edmond pour restituer le véhicule.

J'embarque la tête pleine d'images, sans doute pour toute ma vie. Cet endroit est ce que j'ai vu de plus beau.

Retour à Nouméa pour 18h30, j'appelle Antoine de l'école de kite pour lui dire de me prendre une planche pour le lendemain après-midi au cas où... Puis classique bière aux 3 brasseurs avec Dédé qui s'amuse de mon émerveillement, caractéristique manifestement partagée par tous les métropolitains qui débarquent sur l'île des Pins pour la première fois.

Demain, c'est LE jour de travail, il faudra que je me rase.

22h30 : je mets le masque occultant. Ça serait bien que je dorme, au cas où il y ait une fenêtre kite l'après-midi, mais je ne me fais guère d'illusions...

À plus,

G.

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