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samedi 23 août 2008

Un fonctionnaire chauve à Nouméa #9 : derniers moments sur le caillou

Hier soir, je suis allé manger chez des copains qui sont là depuis 6 ans et 1/2 et qui vont s'installer en Australie dans 2 mois.

Délire quand je les ai appelé au téléphone : "C'est G. Je suis à Nouméa." "Non, arrête, c'est pas vrai !". C'est vraiment sympa et incroyable de se voir si loin de la maison.

On a plein de choses à se dire et on discute de la France, de leur expérience ici, de choix de vie. Une soirée bien sympa. Je les quitte à un déraisonnable 23h qui, je le sais, va me coûter cher...

Au lit à 12h10, je me réveille à... 4h20. Quel nul, je vais être ruiné demain dans l'avion...

J'ai les quadriceps et les mollets douloureux de la session d'hier... C'est pas grave...

Ce matin, je décide de parfaire ma connaissance de la culture kanak. Je vais voir le centre culturel Tjibaou dont l'objet est précisément la promotion de ladite culture.

Jean-Marie Tjibaou, leader indépendantiste, a eu le pouvoir en Nouvelle-Calédonie entre 1982 et 1984. Il est assassiné à Ouvéa en 1989.

Je suis demandeur d'infos sur la culture mélanésienne car je me suis aperçu tout au long de cette semaine à quel point le gap avec l'Occident est grand. Par exemple, j'ai appris hier soir que sur les îles Loyauté, il y a la loi française... et la loi coutumière, chacune avec leur tribunal. Selon la faute, les chefs coutumiers ont la possibilité de décider que c'est eux qui vont s'en occuper... En général, le coupable préfère, et de loin, les méthodes françaises... ça lui permet d'éviter le fouet et autres désagréments... Encore une fois, ça ne rigole pas. Et ça rigole d'autant moins que l'île est petite et donc moins développée...

Le centre est vraiment canon vu de dehors, fait par l'architecte Renzo Piano en 1998. C'est le même qui a fait le centre Georges Pompidou, il a bien progressé...



L'idée est à la fois de s'intégrer parfaitement au paysage (20/20 de ce côté-là), de représenter des cases kanak et d'exprimer un concept de non-fini, d'inachevé pour montrer que la culture kanak est encore en mouvement, en progression. Gros message donc, et pas mal réussi.

À l'extérieur a été aménagé un "chemin kanak" qui met à la fois en avant la végétation et explique les rapports proches des kanaks à cette dernière, et explique en 5 étapes le mythe kanak du 1er homme. Très beau parcours, dans la forêt et la mangrove.

À l'intérieur c'est moins rose. Une expo. sympa sur l'art mélanésien, un film et 2-3 bornes interactives, c'est sacrément léger. Dommage.

En partant, incroyable, sur le côté, une statue de moi, hyper-réaliste...



Il ne mentionne pas mon nom mais parle d'un géant au pénis monstrueux qui en voulant le planter dans la femme que tout les hommes du coin désiraient, a fendu la barrière de corail... Bizarre, je ne m'en souviens pas...

J'ai prévu d'aller manger sur l'île aux canards pour aller faire ce fameux sentier sous-marin. Il fait hyper beau et chaud, je prends le bateau taxi et je débarque 5mn plus tard sur cette île minuscule à quelques encablures (300-400m) de l'anse Vata.

Des transats, un restau. Je me pose et part pour le fameux sentier aménagé par l'IRD. Le parcours dure 30 mn avec des bouées-étapes munies d'un petit panneau sous-marin fournissant des explications sur la faune et la flore. Le tout dans une réserve.

Je pensais être blasé après la piscine de l'île des Pins mais là, c'est encore un choc. Les poissons sont extrêmement peu farouches et... bien gros. Il y a des coraux multicolores dont une espèce particulière d'un bleu extraordinaire. Je me balade tranquillement sur le parcours qui fait ~30 minutes, l'eau est un peu froide (~20° je pense). Je vois pour la première fois du séjour un tricot rayé, ce fameux serpent mortel emblêmatique du territoire. Il paraît qu'ils ne sont pas du tout agressifs et qu'on peut les attraper sans souci. Je m'abstiens. Derniers coups de palmes au milieu d'énormes poissons perroquets hyper-colorés et je sors.

Mon idée est de prendre un rapide repas chaud mais... pas de CB... Il me reste assez de monnaie pour acheter... un Magnum. Je déguste ce repas équilibré sur le transat et observe mes voisins.

Ils sont américains. Lui pèse 100kg dont au moins 99,5 de muscles. Je cherche les valves qui lui permettent à l'aide de 7 ou 8 bars de pression d'obtenir des pectoraux de la taille d'un plat à paëlla, le dos et les biceps qui vont avec. Il dégage une sensation de bêtise rare. Il a ~45 ans, parle fort, boit des boissons bizarres et rote très fort au milieu des clients interloqués. Il porte pas mal de tatouages dont un M un peu guerrier sur l'épaule (sans doute pour Musclor...). Il a aussi le prénom "Candice" écrit en cursives (bien réussies) sur le bras, et un autre effacé dans le bas du dos (sans doute son ex, ou la marque de son ancien 4x4). Il passe beaucoup de temps à embrasser goulûment sa copine dont je vais évidemment vous parler un peu...

Elle est topless, avec des superbes seins d'au moins... 5000$. Avec ça, pas besoin de soutien gorge, même en footing sur le goudron, ça bronche pas... Ses dents trop en avant sont aussi refaites, mais mal cachées par ses lèvres également retravaillées. Elle rit bruyamment et dit beaucoup "fuck" et "fuck'in". Elle a plusieurs tatouages plutôt réussis dont un à la cheville dans les mêmes cursives que son pote Captain América qui indique "Darryn" : son prénom ???

Ils ont des mini-bafles sur leur ipod et mettent évidemment à fond. Je n'ai pas résisté à voler une photo



C'est bien que Captain ne m'ait pas vu déclencher... Je pense que je n'aurais jamais revu la métropole.

Lassé par l'ambiance, je fais un petit tour de l'île : plutôt sympa et vraiment dépaysant par rapport à la distance du rivage.





Ici le sport national est paraît-il de se rendre avec son petit bateau sur un des innombrables îlots déserts avec une tente et une glacière et d'y passer le week-end seul au monde. Séduisant...

Je rentre par le taxi de 14h30 ; j'avais promis à mes collègues de travail de passer leur dire au revoir avant mon départ.

Je m'arrête à la maison de l'artisanat sur le chemin. Il y a peu d'artisanat local. La théorie de Dédé sur le sujet est qu'on développe des savoir-faire surtout quand on est dans l'adversité : quand il suffit de s'asseoir sous le cocotier et de jeter une flèche dans la mer sans regarder à l'heure du repas, on n'a pas vraiment besoin de grand-chose... Ça se tient.

Quelques trucs sympa néanmoins, mais tous faits par des caldoches. Bijoux en corail noir, pierres travaillées, objets en bois local...

Tiens une parenthèse qui me vient en repensant à l'artisan qui sculptait avec une clope au bec. Ici TOUT LE MONDE fume. C'est hyper-choquant pour nous métropolitains, atrocement culpabilisés par rapport au tabac. On se croit revenu au temps où Zitrone commentait le tour en fumant à l'antenne... On fume dans les bars, les restau, sans que personne ne se plaigne. L'interdiction de fumer dans les collèges (!!!) n'est pas si ancienne...

Les clopes sont moins chères et en paquets de 25. Les gens n'ont pas de vraies raisons d'arrêter... En plus, les gens des îles n'ont pas l'habitude d'évoluer dans un monde très contraint législativement. Ils sont plus loins, ils sont plus libres. Soyons clairs, je ne fume pas, et je ne nie évidemment pas que la clope soit un problème de santé publique, mais cette situation me fait réfléchir : la surprotection imposée par l'État, dans quelque domaine que ce soit, implique une certaine répression. Est-on forcément plus heureux davantage protégé mais davantage réprimé, c'est ma question du jour...

La séquence d'au revoir aux collègues de travail se révèle moins anodine que ce que je ne le pensais. Certes on se connait à peine, mais ici on sent bien que quand on dit au revoir, ça n'est pas loin d'un adieu, même si on se dit "À une prochaine". On ne reviendra pas pour le week-end. Ce côté "sans appel" du départ, cette sensation de "on/off" liée à l'incroyable éloignement, contribue à faire ressentir ce voyage comme une parenthèse hors du temps, un peu irréelle.

Problème légèrement connexe, la Calédonie souffre du fait que tous les fonctionnaires viennent ici pour 2 ans renouvelables une fois (sauf, rappelons-le, les enseignants du supérieur et les juges qui restent tant qu'ils veulent). Les calédoniens demandent toujours à un nouveau venu pour combien de temps il reste. Ils ont trop souffert d'instaurer des liens d'amitié forts avec des gens qui toujours repartent et disparaissent totalement de leur vie. Du coup, ils sont prudents avec les "séjours courts"...

Ces "séjours courts" posent aussi un autre problème au territoire, plus opérationnel. À la fin de leur contrat, les gens partent souvent avant que leur remplaçant n'arrive, si bien qu'il n'est pas rare qu'un poste important soit vacant pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois... Ça crée de gros problèmes de fonctionnement car les présents doivent absorber le surcroît de travail et de responsabilité tant bien que mal...

Ce soir, repas chez Dédé. Je revoie sa femme et ses enfant avec plaisir, pour la première fois depuis 9 ans. Ils ont notablement grandi (surtout les enfants). Je goûte de la salade de cerf, plat local. C'est une sorte de carpaccio épicé de cerf. Très bon. Les calédoniens cuisinent beaucoup le cerf qui prolifère trop. Dédé m'a gâté, il est allé acheter deux bouteilles de Bandol rouge domaine l'Olivette (je n'ose même pas imaginer le prix ici...), un domaine distant de 500m à vol d'oiseau de chez moi !!! Bonne soirée.

Il est minuit et demi, je suis terriblement fatigué : encore un au revoir... Mais un vrai celui-là car Dédé passe souvent en métropole pour des missions, on aura l'occasion de boire quelques coups dans le Sud...

Coucher à 1h15. Je vais le payer cher.

Je décolle demain à 12h, rendez-vous à 9h45 pour rendre la voiture et partir vers l'aéroport et l'interminable voyage. J'ai appris un truc rigolo : le vol Tokyo-Paris doit attendre que Charles de Gaulle ouvre et ne peut pas partir après une certaine heure de Tokyo... si bien qu'il va moins vite et fait des ronds dans l'air : ça sera 13h de vol au lieu des 11h de l'aller !!! Ça promet une forme olympique pour la reprise du boulot lundi matin...

À demain,

G.

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